| Article 8  
                Faut-il sauver les Rased ? (Cf Café pédagogique) 
               Alors 
                que le ministre a inscrit au budget 2009 la "sédentarisation" 
                des Rased; c'est-à-dire leur rattachement à une 
                classe entière, la pétition en leur faveur rencontre 
                un réel succès avec près de 80 000 signatures.Pourtant, à en croire X. Darcos, "plus d'un 
                million d'enfants connaissant des difficultés scolaires 
                sont désormais pris en charge dans les écoles primaires". 
                Un chiffre qui rassure et satisfait en apparence mais qui cache 
                une organisation défaillante.
 Ainsi près de la moitié des écoles ont choisi 
                de faire la mise à niveau à l'heure du déjeuner 
                durant 30 minutes. Si dans certains cas une demi heure d'enseignement 
                peut être positive, on peut douter que ce soit le cas avec 
                des horaires quotidiens aussi chargés (6 heures). (Cf. 
                A.Prost et H.Montagner qui ont remis le 24 octobre la pétition 
                soutenue par le Crap contre le nouvel aménagement du temps 
                scolaire à l'école primaire.). On peut aussi craindre 
                pour l'évolution de ces heures
 On peut aussi douter de l'efficacité même du dispositif. 
                Les enfants qui bénéficiaient des Rased ont peu 
                de chance de trouver une aide d'aussi bonne qualité avec 
                leur instituteur habituel qui n'a pas reçu de formation 
                spéciale.
 A défaut la suppression des Rased aboutit à rendre 
                plus inaccessible l'Ecole pour les élèves en difficulté. 
                Xavier Darcos aime bien parler de l'école de la république. 
                Peut-il concevoir une école républicaine qui tournerait 
                le dos aux plus faibles ?
 J'aimerai 
                soumettre à votre sagacité ce qu'écrivait, 
                le 3 octobre 2008, Jacques LEVINE, psychologue, psychanalyste 
                qui s'est intéressé depuis toujours au monde de 
                l'école et entre autres de l'école maternelle. Jacques 
                Lévine qui vient de disparaître restera pour nous 
                une des grandes figures de la pédagogie. Il a su faire 
                passer auprès des enseignants les réflexions, les 
                apports et les exigences de la psychanalyse. Ce travail s'est 
                fait dans un objectif de libération et d'émancipation 
                des enseignants et des élèves. "Non 
                à la disparition des aides spécialisées à 
                l'école ! Le 
                projet de la loi de finances qui propose la suppression des postes 
                spécialisées ne me paraît pas sérieux, 
                et relève d'une méconnaissance de ce que sont les 
                difficultés possibles qu'un enfant peut rencontrer dans 
                ses apprentissages. Notre Ministre, s'il soutient cette mesure, 
                risque de se laisser prendre à son jeu d'apprenti sorcier. 
                Dans ce poème de Goethe mis en musique par Paul Dukas, 
                un apprenti sorcier tente d'animer un balai pour que ce dernier 
                effectue la besogne que son maître, parti faire une course, 
                lui a assignée. Il réussit à animer le balai 
                mais celui-ci s'emballe et le héros ne sait plus comment 
                l'arrêter et le fend donc avec une hache. Le balai s'arrête 
                sur le moment, mais les morceaux forment chacun un nouveau balai 
                et la ronde repart de plus belle. L'apprenti, qui avait déjà 
                du mal à contrôler un balai, doit maintenant faire 
                face à des centaines de balais. Le sorcier arrive enfin 
                et répare les dégâts provoqués par 
                l'apprenti. Mr 
                Darcos vise-t-il une multiplication de ces "classes batailles" 
                où les enfants sont dans l'opposition, dans une colère, 
                avec un sentiment d'injustice ? L'échec scolaire, même 
                minime, désapproprie l'enfant d'une partie de son Moi. 
                Le Soutien au soutien est fondé sur l'idée que l'enfant 
                a besoin de saisir ce qui se passe en lui dans les moments où 
                il est en rupture avec le milieu scolaire. Il a besoin de saisir, 
                comme dans un miroir, ce dont il est victime, et surtout, de se 
                sentir reconnu dans le dommage qu'il subit. La vie est une bataille 
                avec des forces positives et négatives, et l'enfant a parfois 
                besoin d'être accompagné pour découvrir ces 
                forces positives, pour faire face à l'adversité, 
                inhérente à tout parcours scolaire. A 
                partir de là, il a besoin que nous regardions de près 
                la nature de ces dommages. L'une des méthodes pour y parvenir 
                est le retour à ce qui s'est passé dans le milieu 
                familial ou scolaire, ou intime, et à partir de cette marche 
                en arrière, il peut devenir possible de pratiquer une marche 
                en avant pour organiser une dimension positive du moi. Si on ne 
                fait pas ça, on enlève aux enfants une substance 
                essentielle : l'espoir d'une plus-value, de retrouver une considération 
                en eux-mêmes.L'aide spécialisée est une écoute de ce qui 
                s'est cassé, de la partie "accidentée" 
                du Moi, sans connotation péjorative, pour engager un travail 
                de réparation en s'appuyant sur la partie intacte du Moi 
                et à partir de l'établissement d'une relation de 
                coopération. Alors que les rééducateurs, 
                de par leur formation, et la conception même de leur travail, 
                connaissent ces dysfonctionnements réels ou potentiels, 
                les institutionnels considèrent ces dysfonctionnements 
                comme secondaires, susceptibles d'améliorations ultra rapides, 
                et pouvant être prises en charge par des personnes formées 
                selon des normes de transmission qui s'avèrent inefficaces 
                lorsqu'il faut les moduler. Le risque est la dévalorisation 
                de l'enfant si on ne lui permet pas de puiser les atouts qui sont 
                en lui, et ce sont des opérations qui ne sont pas réversibles.
 Le 
                Ministre de l'Education nationale parlait de redonner confiance 
                à l'élève en difficulté à travers 
                les actions de soutien mises en place par les enseignants, mais 
                on ne permettra qu'un artefact de confiance en soi si on s'en 
                tient à une approche comportementaliste, sans travailler 
                à une réappropriation du Moi, et pas seulement le 
                Moi scolaire. Qui va accompagner ces enfants qui se trouvent devant 
                un système d'appartenance scolaire si éloigné 
                du système familial, qu'ils ne peuvent s'y inscrire ?Ils 
                arrivent avec de la honte ou de l'arrogance, et ce n'est pas un 
                soutien basé sur le scolaire qui va les aider. Ils ont 
                besoin que des adultes reconnaissent leurs appréhensions, 
                et c'est en posant ce regard sur eux que les rééducateurs 
                vont ouvrir des pistes de travail. Il faut "envisager", 
                regarder ce qu'il y a sous ces comportements. On ne peut occulter 
                le vécu des enfants, ni le considérer comme une 
                fatalité : "ça passera" . Nous connaissons 
                le risque possible : "ça cassera" !Vouloir faire 
                l'économie des rééducateurs et de leurs savoirs, 
                de leur connaissance précise des obstacles que rencontrent 
                les enfants ne peut que mener à des impasses et aboutir 
                à un résultat exactement inverse de celui qu'on 
                fait miroiter.Il est possible de recenser les outils de prévention, 
                et les outils de remédiation des personnels spécialisés 
                pour voir combien ils feront défaut à l'école 
                toute entière, et aux élèves les plus en 
                difficulté. Ce sont des dispositifs qui s'appuient sur 
                une acceptation de l'autre tel qu'il est, pour construire avec 
                lui et les partenaires éducatifs un projet qui permettra 
                de l'accompagner dans son devenir d'élève.Il est 
                encore temps d'abandonner ce projet de liquidation et d'envisager, 
                avec toutes les parties intéressées, une concertation 
                sérieuse en ne se souciant que du profit des enfants, et 
                non de celui que l'administration pourrait en tirer. " Jacques 
                LEVINE.Vendredi 3 octobre 2008
 30/10/08
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