Extrait 
          site de D. Calin :
          " La redéfinition simplificatrice des options du CAEI en 
          1984 puis la substitution du CAPSAIS au CAEI en 1987 marquent le lancement 
          d'une politique de destruction progressive de l'enseignement spécialisé, 
          poursuivie méthodiquement par tous les gouvernements ultérieurs. 
          Cette politique est passée, entre autres choses, par la suppression 
          d'un des deux centres nationaux (le CNEFASES de Beaumont, le plus ancien, 
          le plus solide et le plus créatif) et surtout par le laminage 
          progressif des Centres Régionaux de formation à l'enseignement 
          spécialisé au profit d'une dispersion des formations dans 
          tous les IUFM, voire dans toutes les antennes départementales 
          des IUFM. Cette dispersion interdit la constitution d'équipes 
          de formateurs spécialisés suffisamment nombreuses et stables 
          pour inventer, porter et transmettre des cultures professionnelles fortes. 
          Formateurs isolés et fragilisés, enseignants moins bien 
          formés, après avoir à ce point fragilisé 
          les personnes susceptibles d'incarner l'idée même de spécialisation, 
          il devient facile de l'éliminer.
          Nous ne donnons pas le même sens à formation, et si les 
          textes de 2004 ont fait passer le temps de formation de 700 heures à 
          400 ils évoquent aussi : " Il est institué un certificat 
          d'aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, 
          les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves 
          en situation de handicap (CAPA-SH) destiné à attester 
          la qualification des enseignants du premier degré (...) " 
          Il s'agit donc de qualifier des personnels, histoire que les statistiques 
          ne fassent plus apparaître le nombre important de postes pourvus 
          par des " faisant fonction ". L'esprit d'une formation de 
          qualité n'est pas conforme à la logique marchande qui 
          continue de justifier les réformes en cours : une information 
          semble suffisante.
          Si rien ne vient contrarier ce mouvement, élément mineur 
          du vaste mouvement de destruction des services publics, la dernière 
          étape consistera probablement à prétendre former 
          tous les enseignants à l'accueil des élèves handicapés 
          ou en grande difficulté, dans le cadre de leur formation initiale, 
          par le biais de formateurs désormais dépourvus eux-mêmes 
          de toute spécialisation. Il ne manque pas d'idéologues 
          pour préparer le terrain à cette ultime étape. 
          J'ai déjà écrit ailleurs le mal qu'il fallait penser 
          de cette absurdité.
          Pour conclure, que souhaiteriez-vous voir mis en uvre pour une 
          meilleure intégration / scolarisation des enfants handicapés 
          ?
          D'abord ne pas confier cette mission complexe, délicate, toujours 
          douloureuse, à des politiques et/ou à des idéologues. 
          Ni aux seuls parents, toujours profondément touchés, et 
          qui ont besoin par conséquent de médiateurs professionnels, 
          sinon neutres, mais du moins à distance suffisante pour les aider 
          à penser raisonnablement l'intérêt de leur enfant.
          Ensuite, soutenir les systèmes d'articulation souples et évolutifs 
          entre milieu ordinaire et milieu spécialisé, déjà 
          existants mais abandonnés aux bonnes volontés.
          Enfin, renforcer la formation des enseignants spécialisés 
          au lieu de la détruire progressivement comme tous les gouvernements 
          successifs l'ont fait depuis 20 ans. Affiner les spécialisations 
          au lieu de les détruire. Construire des pôles de formation 
          forts, au lieu de disperser les formations... là où il 
          n'existe pas de formateurs ! "
        Je 
          crains fort que le laminage des formations se poursuive : sur notre 
          Académie (6 départements sont concernés), le cahier 
          des charges concernant la préparation au CAPA SH publié 
          par le rectorat met en place des " Modalités particulières 
          concernant l'option D permettant de renforcer le potentiel d'enseignants 
          formés ". Il s'agira d'une formation organisée 
          sur un an (400 heures conformément à la circulaire C.2004-026). 
          Mais il est précisé qu'une part importante de la formation 
          (un tiers au minimum) devra être à distance
 Que l'année 
          N-1, " l'aide à la prise de fonction sera réduite 
          au minimum opérationnel " Sommes-nous toujours dans 
          le cadre de la circulaire 2004-026 du 10.2.2004 BO Spécial N°4 
          du 26 février 2004) ? 
          Mettre cette formation à distance sur l'option D est très 
          surprenante car la mission des enseignants de l'option D est la plus 
          difficile et la plus diversifiée qui soit.
          Un enseignant de l'option D doit pouvoir :
        
          - S'occuper 
            d'enfants, de préadolescents, d'adolescents voire d'adultes; 
            
- Aider 
            des sujets ayant des pathologies très diversifiées ("névrotiques", 
            "psychotiques", autistes, trisomiques, troubles du comportement 
            et de la conduite handicapant, troubles spécifiques, troubles 
            importants des fonctions cognitives
)
- Travailler 
            dans des lieux différents : l'école, le collège, 
            le lycée, les établissements spécialisés, 
            un SESSAD
 et cela en développant toujours un travail 
            de partenariat avec différents intervenants créant des 
            liens solidaires et indissociables pour une prise en charge cohérente 
            des publics concernés. Je crains que la formation à 
            distance ne préparera que très partiellement à 
            cette diversité, elle ne fera que l'effleurer. En fait, le 
            risque est de faire une formation sur poste et non une véritable 
            professionnalisation ouverte comme attendue dans le référentiel. 
            
       OÙ 
          SONT LES USAGERS ?***
          Quelles prises en compte de ces publics en très grandes difficultés 
          psychologiques, sociales, cognitives, psychiques
 Sont-ils devenus 
          des enfants "paquets" 
          (comme pourraient les nommer certains psychologues lorsque le sujet 
          disparaît ?
) 
               
          OÙ SONT LES STAGIAIRES ? 
          Stagiaires qui face à ces publics ont besoin d'un accompagnement 
          sérieux, de proximité (réassurance et conseils 
          pour avancer), non pas par mail mais dans un face à face laissant 
          une place à l'expression, nous formons des professionnels de 
          la relation (rencontre physique entre des personnes) 
        Dans 
          ce dispositif de formation accompagnée d'une formation à 
          distance, comme le dit D. Calin, "on disperse la formation en la 
          distribuant à trois "lieux" différents", 
          et on lamine les filières de formation ASH qui étaient 
          jusqu'à aujourd'hui des pôles forts de formation.
          Fini le temps hors du temps qui permettait d'investir un espace autre, 
          celui de la formation, véritable mise à distance d'une 
          pratique sur laquelle un retour réflexif était possible, 
          autorisé, valorisé. Bonjour le temps de " la tête 
          dans le guidon " : quiconque sait le marathon quotidien du travail 
          en CLIS, en UPI, en Hôpital de jour, en ITEP
, qui rétrécit 
          le temps dans le même temps qu'il émiette l'espace, imagine 
          combien il sera difficile de poser sur sa pratique un regard critique, 
          et la distance de la formation à distance n'est certainement 
          pas la meilleure réponse !
        Michel 
          Vinais
        
          ***Où sont les usagers ?
        La 
          question du sujet est le sujet de la question.
          (Ce texte est inspiré d'un écrit de Ph. Cormier dont vous 
          trouverez la référence en fin de texte)
        Les 
          évolutions incertaines de la formation et ses influences sur 
          les usagers dont les futurs titulaires du CAPA SH option D auront à 
          s'occuper, dans lesquelles je voudrais me limiter ici à désigner 
          les dérives qu'il faut impérativement combattre, si nous 
          ne voulons pas avoir honte de l'Ecole que nous lèguerons à 
          nos enfants.
          Le développement des sciences cognitives, des neurosciences, 
          du néo comportementalisme, et en contrepoint le discrédit 
          jeté sur la psychanalyse, entraînent la montée en 
          puissance d'un nouveau scientisme qui tend à s'emparer de la 
          question scolaire en développant un nouveau fantasme digne du 
          Meilleur des mondes d'A. Huxley) : le fantasme de la résolution 
          et réduction des problèmes d'apprentissage et de comportement 
          par des procédés et moyens techniques et même chimiques. 
          Un tel fantasme offre l'immense avantage de faire l'économie 
          du sujet, de la relation, de l'écoute, de la reconnaissance de 
          l'autre avec ses encombrants écarts par rapport aux attentes 
          programmées (la Norme). Ici, il ne faut pas hésiter à 
          affirmer que nous assistons à l'émergence de nouvelles 
          formes d'approches, reposant sur la Science, ne visant que le bien, 
          la sécurité, la bonne adaptation, l'éradication 
          des comportements anomiques dans la population. Le dernier rapport de 
          l'INSERM sur la prévention de la délinquance, l'invention 
          récente du syndrome d'hyperactivité en même temps 
          que de son traitement chimique en est de bons exemples. Car nous avons 
          effectivement affaire à des pathologies inventées pour 
          pouvoir être traitées. 
          Pendant ce temps-là, la souffrance, le mal-être, la non-reconnaissance, 
          la peur, l'abandon, l'insécurité affective ne sont pas 
          entendus, car il faut pour cela écouter . Ecouter, se mettre 
          à l'écoute, ce que le philosophe J.-L. Chrétien 
          appelle la première des hospitalités, aucun " traitement 
          " ne pourra jamais s'y substituer. Les traitements, physiques ou 
          chimiques, ne pourront jamais que faire taire les symptômes.
          Même dans le cas des pathologies, soigne-t-on les symptômes, 
          ou bien les reçoit-on comme les manifestations du trouble, non 
          comme le trouble lui-même ?
          Le traitement d'une pathologie avérée, et secondairement 
          des symptômes, est évidemment légitime, mais on 
          sait qu'il requiert d'abord et avant tout l'attention au sujet : à 
          celui qui vit, qui éprouve son mal.
          Dans tous les cas, le symptôme est l'expression d'un sujet souffrant. 
          Plus généralement, c'est l'expression d'un sujet en difficulté, 
          qui ne " s'en sort pas " tout seul. Dans tout dispositif et 
          dans toute démarche d'aide, il convient par conséquent 
          de prendre au sérieux en premier lieu la souffrance du sujet 
          en tant que sujet, ses difficultés en tant que sujet, sujet de 
          sa vie, sujet de son rapport au monde, sujet de ses relations à 
          d'autres sujets, et enfin, puisque nous sommes dans le cadre de l'école, 
          sujet de ses apprentissages. Cela peut-il se construire lors d'une 
          formation à distance, qui en elle-même nie la relation 
          à l'autre ? Le travail de relation ne se travaille pas à 
          distance !
        Même 
          dans ce dernier cas, la difficulté cognitive (travail du PE S 
          option D) ne demande pas seulement une approche technique (et d'ailleurs, 
          quels sont les bons outils pour intervenir sur une difficulté 
          dont on ne connaît que si peu de chose ?) Elle demande d'abord 
          à être écoutée, car c'est le sujet et lui 
          seul qui peut exprimer sa propre difficulté, avec les moyens 
          qui sont les siens. Alors seulement on peut travailler à partir 
          de ce que le sujet, mis en confiance et à l'abri du jugement, 
          peut dire, montrer, signifier, exprimer, symboliser. De ce point de 
          vue, c'est le regard, plutôt que la prétentieuse observation 
          objectivante, qui peut aider à comprendre, en prenant en compte 
          non seulement l'objet de la difficulté mais le sujet en difficulté, 
          ainsi que la subjectivité du regard, lequel implique de regarder 
          l'autre derechef comme un sujet et non comme un simple porteur de dysfonctionnement. 
          Le regard accepte de ne pas être neutre, d'être vecteur 
          de relation à l'autre. Il se peut que dans certains cas une aide 
          pédagogique puisse être apportée dans la classe, 
          dans le contexte des apprentissages (cela suppose une étroite 
          collaboration entre les différents intervenants). Cela peut-il 
          se construire lors d'une formation à distance, qui en soi, nie 
          la relation à l'autre ?
          Engager un sujet, à partir de lui-même (car ses difficultés 
          sont bien les siennes) à restaurer de la confiance en soi, du 
          désir d'apprendre, du sens et de nouveaux outils, une telle idée 
          évacue le caractère imprévisible, non programmable, 
          du chemin singulier du sujet pour " en sortir ". On comprendra 
          que le non-programmable soit administrativement intolérable, 
          mais qui fait souffrir de manière réactionnelle le corps 
          qui la fait souffrir. Autant un projet d'aide a du sens, parce que le 
          projet institue et cadre une visée avec et pour un sujet, en 
          acceptant la dimension d'imprévisibilité, tant du côté 
          du déroulement effectif que de la durée, autant un programme 
          condamne à l'enfermement et à la dictature de l'obligation 
          de résultat (rien de mieux pour provoquer un blocage supplémentaire). 
          L'apprentissage ne peut se plier à la logique productiviste du 
          programme. C'est une évidence dans le cas d'une aide spécialisée.
          J'en finirai sur la volonté symptomatique de beaucoup de voir 
          disparaître ou tout au moins de rentabiliser les aides en imposant 
          aux enseignants spécialisés de travailler dans une optique 
          de contrôle des comportements déviants. C'est là 
          que, dans l'institution, le sujet, avec sa singularité, dès 
          lors qu'il se fait remarquer et sort de la norme, plus que jamais gêne. 
          On voudrait (et ce on est légion) que l'enseignant spécialisé 
          agisse, intervienne, mais sans que son " action " passe par 
          le détour, l'écoute et le " rejeu ". Or la mise 
          à distance et la reprise dans un autre cadre sont indispensables 
          pour permettre à l'élève de devenir le sujet d'un 
          vécu difficile. Détour (sortir temporairement du lieu, 
          du topos de la difficulté), écoute et rejeu (rendre représentable 
          ce qui ne l'était pas et empêchait d'avancer) sont exactement 
          caractéristiques de " l'intervention d'aide", aussi 
          peu interventionniste que possible, afin de ne pas " forcer " 
          le sujet. Comment ne pas comprendre que rejouer n'a rien à voir 
          avec jouer au sens de s'amuser ? Cela peut-il s'enseigner lors d'une 
          formation à distance ?
          Les aides spécialisées dans leur ensemble demandent par 
          ailleurs à être définies plus clairement en référence 
          au " monde personnel " de l'élève en tant que 
          sujet d'un vécu scolaire et personnel difficiles. Par suite, 
          c'est la nécessité du détour, de l'écoute, 
          de la possibilité de rejouer et de rendre représentable 
          pour lui ce qui s'est mal joué dans son devenir-élève, 
          qui doit être reconnue. Un cadre spécifique est donc indispensable 
          pour garantir la possibilité de la " reprise " des 
          difficultés, et cela vaut tout aussi bien pour reconquérir 
          une disponibilité cognitive qu'une disponibilité émotionnelle 
          ou symbolique. Il est essentiel que l'enseignement spécialisé, 
          entre l'enfant-élève, sa famille, son ou ses enseignants, 
          ses différents intervenants puisse demeurer un tiers capable 
          de restaurer de la relation. Ce travail auprès des usagers (élèves) 
          avec tous les différents intervenants ayant à s'occuper 
          de ces usagers peut-il se construire lors d'une formation à distance, 
          qui en elle-même, nie la relation à l'autre ?
        Pour 
          tout complément, courrez lire sur le site de D. Calin les textes 
          de Philippe Cormier : CAPA-SH, formation, commission d'agrément, 
          etc. et La question de l'adaptation de l'École aux élèves 
          à besoins particuliers.