S'engager dans la 
          résolution de problèmes revient à entamer une odyssée 
          impliquant l'individu dans la globalité de son fonctionnment 
          psychologique et mental. (Cf H.Planchon)
        
        
        S'affronter 
          à un problème n'est pas une expérience indifférente, 
          tant pour l'élève en classe de mathématiques que 
          pour l'adulte régulièrement aux prises avec un ensemble 
          de réalités hétérogènes, donc potentiellement 
          contradictoires et conflictuelles.
          Un problème naît de la confrontation avec une impossibilité, 
          une discontinuité voire un paradoxe dont l'évidence nous 
          fait violence. A cet égard, le problème mathématique 
          présente une exemplarité qui empêche de ne voir 
          en lui qu'exercice futile aux enjeux exclusivement scolaires. C'est 
          qu'il éveille des émotions, suscite des réactions, 
          sollicite des comportements symptomatiques à maints égards 
          de notre façon d'appréhender le réel, en tous cas 
          formellement analogues à ce qui se trouve mis en jeu dans les 
          rapports complexes que chacun entretient constamment avec soi-même 
          comme avec le monde extérieur.
          Un problème, ce n'est pas le choc des cultures mais le choc des 
          structures : une structure de départ (la situation problème, 
          l'énoncé) qui nous est donnée et une structure 
          finale (la solution) englobant la première et qui est soit à 
          inventer soit à retrouver. Entre les deux : le vide, plus exactement 
          le manque-à-lier que met à jour l'occultation énigmatique 
          des relations qui permettraient de passer de l'une à l'autre. 
          En ce sens, le problème c'est l'appréhension d'une distance 
          apparemment irréductible séparant deux organisations distinctes 
          (l'une réelle, l'autre virtuelle). Traiter le problème 
          revient alors à réunir les deux pôles en élaborant 
          un système original susceptible de prendre en compte, d'articuler 
          et d'intégrer à la fois la situation de départ 
          et l'objectif. La nouvelle unité ainsi créée, en 
          tissant des liens vient cicatriser l'effraction occasionnée par 
          la question et par là apaiser une tension, oblitérer une 
          lacune, restaurer un équilibre.
        D'un 
          point de vue technique, la résolution du problème passe 
          par la mise en uvre d'un certain nombre d'outils relevant en fait 
          de l'exploitation de problèmes antérieurement résolus. 
          Entendons par là :
          * d'une part, les théorèmes, propriétés, 
          définitions, lois, concepts et techniques assimilés par 
          l'apprenant comme appartenant à sa - à la culture mathématique 
          et dont il pourra user directement, c'est-à-dire sans avoir à 
          refaire le chemin parcouru par ceux qui se sont affrontés au 
          problème - au sens propre du terme - d'établir de tels 
          instruments notionnels ;
          * d'autre part, les problèmes mathématiques déjà 
          connus de l'apprenant et dont la fréquentation a nourri l'expérience 
          qu'il a de ce type d'exercices.
        Une 
          certaine familiarité tant avec les objets mathématiques 
          et leurs " murs " qu'avec les problèmes mathématiques 
          et leur " folklore " constitue en effet un contexte favorable 
          au déploiement des processus de résolution comme à 
          leur aboutissement. C'est au cours, au décours souvent, d'une 
          activité tour à tour dispersive et intégrative 
          faite de rumination, de manipulations, de mises en relation des données, 
          puis des notions évoquées par les données, puis 
          des notions évoquées par les notions, que surgit la révélation 
          du chaînon manquant susceptible de faire le lien entre ce que 
          l'on a et ce vers quoi l'on tend. Une telle découverte, en levant 
          le voile, donne alors prise à l'élaboration de la solution, 
          laquelle viendra saturer/suturer un énoncé en souffrance 
          et momentanément combler/colmater un sujet en mal de complétude. 
          De même, c'est par association d'idées et recherche d'analogies 
          que le problème du moment pourra être rapproché 
          d'une ou plusieurs situations déjà rencontrées, 
          qu'une structure (ou partie de structure) sera reconnue au sein du questionnement 
          actuel, faisant d'elle la clef à même de faire jouer/jouir 
          une serrure qui ne demandait qu'à céder pour rétablir 
          la communication entre deux nombres orphelins.
          Encore faut-il pour cela que l'individu ait réussi à s'engager 
          effectivement et pleinement dans un processus de recherche ; ce qui 
          n'a rien d'évident ; qu'on en juge :
          Pour traiter un problème, en effet, il faut pouvoir (et l'énumération 
          n'est pas exhaustive) se prendre au jeu d'une recherche gratuite par 
          certains côtés, supporter des émotions souvent intenses, 
          s'activer à imaginer des hypothèses, à bâtir 
          des stratégies, à alimenter un questionnement permanent, 
          s'arracher à la paralysie qui tend à envahir l'esprit, 
          se hasarder dans l'inconnu sans savoir si l'on va trouver, tolérer 
          un certain désordre intérieur, se plier à vérifier 
          et critiquer les cheminements dans lesquels on s'est engagé, 
          s'exposer à l'erreur et à l'échec. Autant dire 
          qu'à la violence et à l'insistance du problème 
          doivent répondre l'audace et la ténacité de celui 
          que entreprend de s'y colleter.
        On 
          peut alors tout à fait comprendre qu'il soit plus confortable 
          et surtout plus économique à certains de court-circuiter 
          purement et simplement le temps de la recherche - temps de la mobilisation 
          et de l'incertitude intellectuelles. En ce cas, on voit l'apprenant 
          attendre que la solution lui soit donnée, estimant -à 
          tort- que comprendre le corrigé revient à savoir faire 
          le problème - alors que, faute d'avoir été réellement 
          vécue, l'expérience du problème restera lettre 
          morte et sera difficilement réutilisable ultérieurement. 
          La conception - l'illusion - sous-jacente à une telle attitude 
          est que la solution pourrait être trouvée sans avoir à 
          être cherchée ; elle est censée illuminer par la 
          grâce d'une imposition sinon surnaturelle du moins méta-intellectuelle.
          Cependant, ce type de raisonnement, défensivement dressé 
          contre ce que toute investigation a d'inquiétant, de douloureux 
          et de difficile, résiste mal à l'insistante et lancinante 
          sollicitation exercée par le problème. Aussi certains 
          n'ont-ils d'autres recours pour soulager la tension que le " passage 
          à l'acte " qui va consister à plaquer sur l'énoncé 
          la première structure venue sans que sa pertinence soit soumise 
          à vérification. Sa fonction se réduisant à 
          colmater une lacune (extérieure à l'individu mais ressentie 
          avec l'acuité propre à ce qui fait écho à 
          l'intérieur de soi) autant qu'à évacuer l'appel 
          au travail sur le sens.
          De telles stratégies, plus ou moins consciente, ont leur logique 
          propre, qui est celle de l'exonération et de l'apaisement à 
          court terme. L'évitement actif et le placage hâtif viennent 
          en place d'une confrontation, certes formatrices mais dont la pénibilité 
          le dispute à l'aléatoire.
          Notons cependant que l'effort de construction n'intervient pas seulement 
          en amont de la découverte mais également en aval.
          
          En 
          effet, une fois la solution trouvée il faut encore s'astreindre 
          à la valider : pour soi avec la recherche de preuves, pour autrui 
          au moyen d'une mise en mots susceptible d'exposer de façon convaincante 
          le raisonnement jugé le plus direct et le plus élégant 
          à relier l'énoncé à la solution ; cela en 
          un cheminement conforme au rituel comme aux canons (à la fois 
          esthétiques et logiques) propres à toute démonstration 
          mathématique. Il s'agit de témoigner " urbi et orbi 
          " que l'on a triomphé du Sphinx, que l'on s'est véritablement 
          rendu maître du problème.
          Naturellement une telle communication idéalement linéaire, 
          fluide, harmonieuse, policée, sans faille ni ambiguïté, 
          sans contradiction ni solution de continuité, contraste fortement 
          avec le désordre chaotique dans lequel a baigné l'investigation 
          qui l'a précédé - désordre auquel pourtant 
          elle doit tout.
          Le propos de la solution écrite est de rendre objectif ce qui 
          était intuitif, partageable ce qui était personnel, linéaire 
          ce qui était global, net ce qui était brut ; d'où 
          la nécessité de gommer ce qu'elle doit au bricolage laborieux 
          traversé d'errances et criblé d'erreurs par lequel il 
          a fallu passer avant de pouvoir présenter un produit fini et 
          poli dont la perfection affichée sera à même de 
          contenter certaines des figures mythologiques qui peuplent notre monde 
          intérieur, et d'en réparer ou dédommager certaines 
          autres.
          On le voit, s'engager dans la résolution de problèmes 
          revient à entamer une odyssée impliquant l'individu dans 
          la globalité de son fonctionnement psychologique et mental.
          
          Ce 
          discours nous permet d'appréhender quelque peu la complexité 
          de la situation mais amener des élèves en difficultés 
          (Projet d'aide spécialisée à dominante pédagogique, 
          CAPA SH option E) voire en grandes difficultés (Perturbations 
          psychiques et/ou troubles importants des fonctions cognitives, CAPA 
          SH option D) à se "colleter" à ces situations, 
          à "s'engager pleinement et effectivement", à 
          "entamer une odyssée impliquant l'individu dans la globalité 
          de son fonctionnement psychologique et mental" nous invite à 
          interroger différents champs interpellés lors de la confrontation 
          à de telles situations afin de comprendre ce qui se passe. Et 
          c'est bien la compréhension de la situation, la compréhension 
          du sujet dans cette situation, ce à quoi il se heurte, ce à 
          quoi l'enseignant se heurte, qui devraient permettre de mieux intervenir.
          
          Le 
          schéma suivant formalise différents champs en jeu dans 
          la résolution de problème, champs que l'enseignant spécialisé 
          se doit d'interroger pour analyser et comprendre la situation à 
          laquelle se trouve confronter les élèves qui lui sont 
          confiés afin d'intervenir de manière cohérente 
          en prenant en compte à la fois la problématique du sujet 
          et ce que provoque, ce que convoque la situation.
          
          
        
        Formalisation du discours 
        sur ce schéma à venir. En attendant, ci dessous diaporama, 
        appui de cours.