Tout le
monde s'accorde sur l'importance primordiale que revêt la construction
de l'espace chez l'enfant. Non seulement les apprentissages scolaires
les plus fondamentaux tels que la lecture sont tributaires d'une représentation
correcte de l'espace - et on sait combien les problèmes de latéralisation
par exemple peuvent engendrer de conséquences sur l'ensemble
de l'activité scolaire d'un enfant - mais la vie sociale de l'individu,
quel que soit son âge, en dépend également de manière
déterminante. Si l'importance de cette question est dans l'ensemble
bien admise, il faut aussi bien admettre que le système éducatif
en général la laisse un peu au hasard des expériences
de chacun, constatant ensuite le cas échéant qu'il y a
des lacunes ici ou là.
L'étude
de la géométrie, qui devrait être une occasion privilégiée
d'aider l'enfant à "construire son espace", est très
souvent parcellaire et finalement assez peu enrichissante de ce point
de vue pour l'enfant: "L'éducation traditionnelle en effet
ne se soucie qu'assez peu d'aider l'enfant à construire son espace
et, quand elle le fait par le truchement de la géométrie,
elle se cantonne presque toujours à l'espace euclidien, c'est
à dire à l'espace des distances et des mesures et qu'un
des composants de "l'espace total" avec ses 3 volets : topologique,
projectif et euclidien.
Ce que
pourraient être les objectifs d'une activité géométrique
:
Les activités géométriques sont pour les apprenants
une occasion privilégiée d'apprendre à organiser,
d'apprendre à maîtriser l'espace graphique, si tant est
bien sûr que le type d'activité proposé laisse une
marge suffisante pour que l'apprenant puisse circuler au sein de cet
espace.
Les qualités de repérage, d'orientation peuvent et doivent
dans ce genre d'exercices trouver matière à perfectionnement;
de même que la maîtrise du passage d'une forme à
une autre (que ce soit par rotation, dilatation etc...)...
La géométrie, c'est aussi bien sûr l'entraînement
à la perception globale des structures, puis le passage de cette
vision syncrétique à une analyse de plus en plus détaillée.
C'est encore la possibilité d'apprentissage d'un langage symbolique,
langage rigoureux, où l'ambiguïté n'a pas droit de
cité, avec tout ce que cela peut comporter de rassurant.
Toute activité de géométrie nécessite la
prise en compte d'Images Mentales ; l'élaboration de stratégie
; la mise en uvre de conduites analogique/opératoire.
L'approche du mode de fonctionnement, ou du dysfonctionnement cognitif
privilégié d'un apprenant du point de vue de la gestion
des démarches d'ordre analogique, des mises en uvres des
opérations logiques, et la recherche conséquente de leur
optimisation pourrait être considérée comme un objectif
central d'une activité de géométrie. Et ceci pour
au moins deux raisons : tout d'abord car cette question est d'une importance
primordiale dans l'ensemble de l'activité mentale d'un élève,
et ensuite parce que c'est peut-être dans des exercices de géométrie
que l'articulation de ces 2 types d'approche de la réalité
est la moins imbriquée, la moins obscure, et donc la moins inaccessible.
C'est enfin, et peut-être surtout, le domaine roi des Images Mentales
(un carré n'est en général reconnu comme tel, que
lorsqu'il est posé sur un de ses côtés, tandis qu'on
le considère comme un losange lorsqu'on le fait pivoter de 45°).
Elles pourront s'affiner, se coordonner entre elles (établissements
de ponts pour se repérer par exemple autrement que par petits
bouts juxtaposés), s'enrichir, "s'assouplir".
Et une activité géométrique, comme toute activité
mathématiques voire comme toute activité a des retentissements
beaucoup plus généraux sur le fonctionnement intellectuel
d'un apprenant que les simples objectifs spécifiques à
la matière enseignée pourraient le laisser penser.(fonctionnement
intellectuel mais aussi psychique de l'enfant...).
Développer les capacités de mentalisation et plus précisément
la capacité à se représenter des actions (ou plus
exactement l'effet des actions) avant de les accomplir ; de simuler
leur agencement ; de se concentrer sur une activité intellectuelle
; d'organiser et structurer sa pensée, de la maîtriser.
On pourrait encore évoquer dans le champ des transferts de compétence
: le développement de la curiosité, de la capacité
de recherche, d'analyse, de synthèse, de l'aptitude à
dégager des lois pour accéder à une plus grande
efficacité tout en réalisant une économie pour
la pensée.
Notre
choix pédagogique est de réhabiliter ce domaine dans le
champ de l'enseignement spécialisé car tous ces objectifs
ne concourent-ils pas au fond à aider les élèves
à ne plus fonctionner en processus primaires et à acquérir
ce que certains psychiatres appellent une "épaisseur psychique"?
De même, ce type d'activités doit pouvoir aider les jeunes
élèves à se constituer ce que B. Gibello appelle
un "contenant de pensée" pour l'espace évolué
et opérationnel... D'où l'intérêt des activités
géométriques dans le cadre du travail de l'enseignant
spécialisé, face à des élèves en
difficulté voire en très grande difficulté, face
au public ayant des troubles importants des fonctions cognitives.
Bien
entendu cela pose la question fondamentale de l'intervention : quels
contenus pour quels élèves? Quelles activités?
Quelles mises en oeuvre? Comment décripter le fonctionnement
des élèves?...