Rappel clinique.
Les
travaux poursuivis depuis une dizaine d'années avec l'équipe du
laboratoire de la Salpêtrière ont permis à B.Gibello de découvrir
des troubles singuliers de l'intelligence et de la pensée, non répertoriés
jusque là.
Un exemple intuitif : celui d'une adolescente qui fut adressée au
service pour examen par le Dr.Voiseau qui menait un traitement psychothérapeutique
avec elle depuis plusieurs années. Dans son service, on l'avait
surnommée "la ravissante idiote".
C'est une ravissante blondinette de 14 ans, souriante, avenante,
d'excellent contact, s'exprimant bien au cours de l'entretien. Tout
au plus, au cours d'un examen clinique classique pouvait-on observer
une discrète niaiserie et s'étonner de certaines formes d'élaboration
de sa pensée. Mais rien de particulièrement anormal n'apparaissait.
C'était d'autant plus surprenant que pour ce qui concerne la scolarité,
les troubles étaient sévères : elle n'avait pas dépassé le niveau
d'un cours préparatoire. Incapable de lire, d'écrire et de compter,
cette jeune fille présentait un retard scolaire massif, que les
discrètes particularités observées à l'examen clinique courant n'expliquaient
pas.
Le bilan psychologique et psychométrique apportera des notions déterminantes
pour expliquer ses difficultés :
-
Le niveau intellectuel exploré au WISC
R confirmait l'impression clinique de normalité, montrant
des capacités intellectuelles de niveau normal, avec des
notes de QI aux environs de 95.
- L'organisation
de la pensée et du raisonnement en revanche se révélaient
particulièrement anormale, puisque celle d'une enfant âgée
de 6/8 ans.
-
Les épreuves projectives étaient atypiques, sans qu'on puisse
conclure à une organisation pathologique spécifique de la
personnalité.
|
L'équipe
de BG se trouvait devant des résultats d'examen inattendus et très
surprenants. En effet, ils avaient l'habitude de croire à une forte
corrélation entre niveau des capacités intellectuelles, et la maturation
des processus cognitifs et logiques à un âge donné. Après avoir
soigneusement vérifié les examens pratiqués et aussi après avoir
rencontré d'autres cas semblables, ils furent amener à réviser leurs
croyances, et à découvrir que dans certains cas, capacités intellectuelles
et maturation cognitivo-intellectuelle se trouvaient disjointes.
Dès lors BG a rencontré des dizaines de cas semblables, où apparait
ce syndrome de "retard d'organisation du raisonnement", ainsi que
des cas analogues dans le tableau clinique, mais différent sur le
plan de l'évolution, puisque l'altération des processus cognitifs
et du raisonnement est survenue après une longue période où ils
étaient normaux.
Par exemple, une telle symptomatologie est fréquente dans les suites
d'un traumatisme crânien chez des sujets adultes, ou au décours
d'une évolution de processus démentiels chez un sujet âgé. BG a
proposé de désigner les cas de cette espèce "Régression d'organisation
du raisonnement".
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1. Questions de nosographies.
La découverte
des R O R le conduisit à réfléchir à nouveau sur la question des
"dysharmonies cognitives pathologiques" mises en évidence une dizaine
d'année plus tôt.
Ces D C P constituent un autre syndrome caractérisé par le développement
très hétérogène du raisonnement et des processus cognitifs, tel
que dans certains secteurs, le sujet organise normalement sa pensée,
alors que dans d'autres elle paraît particulièrement retardée.
André fut le premier cas de DCD rencontré par BG. Cet adolescent
de 14 ans était pensionnaire d'un établissement destiné aux mineurs
délinquants à la suite de délits mineurs. D'intelligence de niveau
normal, et sans troubles graves de la personnalité, il avait suivi
une scolarité très épisodique, en raison de sa préférence pour l'école
buissonnière. Son niveau scolaire était d'un médiocre CM1. Il était
considéré comme un "cas social", sans pathologie particulière.
Après quelque temps de séjour dans un établissement, il demanda
à suivre des cours de dessin technique pour lui permettre de réussir
un apprentissage auquel il tenait beaucoup. A cette occasion, il
se révéla qu'il pensait l'espace en termes, non pas euclidiens,
mais en terme d'espace quasi topologique, c'est-à-dire comme le
pense un enfant de 6 ans. Cette particularité entraînait des conflits
réitérés avec son enseignant de dessin technique : il ne pouvait
pas comprendre le bien fondé des critiques qui lui étaient faites
de son travail, tandis que l'enseignant, lui-même interprétait comme
du mauvais vouloir l'effet de ses difficultés cognitives. Aussi
la relation maître-élève était-elle en fait une relation conflictuelle,
chacun considérant l'autre comme un persécuteur, et chacun étant
dans l'incapacité de saisir que l'autre ne pensait pas l'espace
de la même façon que lui.
Dans ce cas, le bon niveau intellectuel de l'enfant faisait méconnaître
les anomalies graves de la construction des processus cognitifs
: les processus dynamiques qui nous font reconnaître les propriétés
euclidiennes ne s'étaient pas développés chez André. Et cependant,
les autres processus cognitivo-intellectuels étaient normalement
développés.
Cette observation, renouvelée ensuite à maintes reprises chez des
sujets de tous âges et dans des circonstances très diverses amena
à proposer d'ajouter aux troubles classiques celui de "dysharmonie
cognitive pathologique" DCP puisque ce trouble avait une spécificité
indéniable.
En effet, la nosographie classique distingue dans les troubles de
l'intelligence 4 variétés principales, si on met de côté la question
des délires et les problèmes posés par les sujets surdoués.
:
4
variétés
-
Les troubles instrumentaux,
comprenant les retards et les défauts d'acquisition de gnosies,
de praxies, de l'expression parlée ou écrite, ainsi que
les troubles perceptifs sensoriels tels que la cécité et
la surdité.
- Les
démences, caractérisées par la perte de tout ou partie
des capacités intellectuelles antérieures.
- Les
débilités mentales, spécifiées par le retard global
du développement de l'intelligence, sensible cliniquement,
socialement, scolairement et psychométriquement.
- Les
inhibitions intellectuelles, c'est-à-dire la non utilisation
par le sujet de capacités intellectuelles cependant présentent
en lui.
|
|
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2. Si on revenait sur les inhibitions intellectuelles :
Il
est manifeste que les quatre variétés classiques de troubles de
l'intelligence ne recouvrent pas les R O R ni les D C P. Pour des
raisons diverses, beaucoup de cliniciens ont pris l'habitude de
désigner et de considérer ces troubles comme des inhibitions intellectuelles.
Cette habitude est fâcheuse, puisque par définition, dans les inhibitions
intellectuelles, le développement des processus cognitivo-intellectuels
s'est fait normalement alors que pour les R O R et les D C P, il
s'agit de dysgénèse de ces mêmes processus.
(Pour Freud les inhibitions sont à comprendre comme l'expression
soit d'une limitation fonctionnelle du moi avec différentes origines,
soit se situe dans le cadre de l'auto punition (névrose d'échec)
soit procède d'un appauvrissement d'énergie et le sujet n'arrive
pas à contenir...émotion et deuil...)
Il est manifeste que les D C P et R O R n'entrent pas dans le cadre
des inhibitions intellectuelles. C'est pourquoi j'ai proposé de
compléter la nosographie classique par une 4ème variété regroupant
R O R et D C P. Le nom que je suggère est celui de "troubles des
contenants de pensée" , pour des raisons que nous allons expliquer.
|
3. Les Dysharmonies cognitives pathologiques (DCP)
Elles
touchent certainement au moins 3 à 4% de la population d'enfant d'âge
scolaire, 10 à 30% des sujets traumatisés du crâne. Elles se caractérisent
chez un sujet donné par la coexistence de processus de pensée et de
raisonnement normaux dans certains secteurs, avec dans certains autres
secteurs, des altérations graves de ces mêmes processus. Chez les
sujets adultes, on constate la dégradation de processus acquis, et
chez les enfants, leur retard du développement. |
4. Les retards d'organisation du raisonnement (ROR)
Ils
constituent la forme complète de la symptomatologie des retards d'organisation
du raisonnement. Il s'agit de sujet dont les capacités intellectuelles
n'apparaissent pas atteintes, en ce sens qu'ils ne se comportent pas
comme des débiles mentaux, et que les tests de capacité intellectuelle
(QI) ne montrent pas de déficit. Cependant, ils raisonnent avec des
structures de raisonnement très archaïques pour leur âge, et leurs
compétences practo-gnosiques sont généralement fort médiocres, contrastant
avec des capacités d'expression verbale sensiblement normales. Ces
sujets ont probablement été autrefois isolés cliniquement sans être
situés dans une classification heuristique, par l'aliéniste Chaslin
au siècle dernier sous le nom de "sots", par le professeur Zazzo sous
le nom de "débiles à Q.I normaux" il y a une vingtaine d'années. On
peut distinguer les retards et les régressions d'organisation du raisonnement,
respectivement chez des enfants et des adultes ou des vieillards. |
Contenants et contenus de pensée
1. Distinguer les capacités intellectuelles et l'organisation de la
pensée.
L'existence
même des DCP et des ROR met en évidence la nécessité de distinguer
les capacités intellectuelles de l'organisation des processus cognitivo-intellectuels.
Nous sommes familiarisés avec la notion de capacité intellectuelle
: c'est ce qu'évaluent, suivant le mot de Binet, les tests d'intelligence
permettant le calcul d'un Q.I. C'est aussi ce qui est évalué intuitivement
lors d'un examen clinique, et qui fait considérer, suivant les cas,
l'interlocuteur comme "intelligent", "et pourtant pas bête" ou encore
"limité", "obtus", etc. Des méthodes d'examen systématique peuvent
préciser ces impressions qualitatives. Mais, pour fixer les idées,
observons que nous supposerons, toutes choses égales d'ailleurs,
comme intelligent un sujet intéressé par ce qu'on lui dit, curieux
de l'environnement, émettant des hypothèses, exprimant facilement
ses idées, et capable de tenir compte simultanément de plusieurs
dimensions ou facteurs. Nous pouvons parfaitement arriver à la conclusion
que le sujet est intelligent à des âges tendres, où la pensée s'est
mal organisée, les raisonnements mal construits, les connaissances
réduites.
L'organisation
cognitivo-intellectuelle se laisse moins facilement apprécier,
car les modalités de développement des processus intellectuels décrites
par les psychologues généticiens et cognitivistes sont souvent mal
connues des cliniciens.
Il semble qu'on puisse sans simplification excessive identifier
l'organisation cognitivo-intellectuelle et ce que les piagétiens
nomment "la fonction sémiotique", c'est-à-dire la capacité de représenter
quelque chose par autre chose, et en particulier par des représentations
mentales. Le nom vulgaire de la fonction sémiotique est "fonction
symbolique" ou "symbolisation" mais en raison de la grande polysémie
du mot "symbolique", BG estime préférable l'emploi mot sémiotique,
beaucoup mieux défini.
Comment ce que nous percevons du monde matériel, du monde des personnes
avec lesquelles nous sommes en relation, et de notre monde intérieur
se transforme en représentation mentales conscientes et inconscientes
intervenant dans nos processus de pensée : telle est en somme la
question de l'organisation cognitivo-intellectuelle.
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2. Contenant de pensée
Les
contenus de pensée sont faits de ces représentations psychiques :
perception et émotions hic et nunc, souvenirs évoqués, projets et
anticipations.
Nous sommes généralement inconscients de ce que ces contenus de pensée
ont sens pour nous seulement par l'effet de contenants de pensée.
Les contenants de pensée les plus anciennement connus sont les processus
praxiques et gnosiques, qui, donnant sens aux perceptions sensorielles
ou aux séquences motrices nous permettent de reconnaître l'objet perçu
ou de choisir le mouvement à réaliser dans un certain but.
Le langage constitue un autre contenant de pensée ; depuis
longtemps, les linguistes nous ont montré qu'un mot dans un discours
ou un texte prend sens par effet de contexte, par les liens paradigmatiques
et syntagmatiques qu'il noue avec d'autres mots. Ils nous ont aussi
montré qu'il en va de même pour les monèmes, ces fragments de mots
porteurs d'une signification élémentaire, comme par exemple en français
les préfixes "a" ou "in" ou les suffixes "ements" ou "tions". En l'absence
de contenant linguistique, la forme sonore ou visuelle des mots peut
être perçue, mais non leur sens, comme nous en faisons l'expérience
en écoutant parler une langue inconnue.
Quand le contenant linguistique n'a pas été constitué, on se
trouve devant ce que la clinique neurologique nomme "audi-mutité".
Quand il a été perdu, on observe les aphasies, les surdités ou les
cécités verbales, au cours desquelles les mots vus ou entendus restent
lettres mortes.
De même, les contenants de pensée cognitifs, relatifs par exemple
à l'espace, au temps, à la logique donnent sens aux contenus
de pensée correspondant. La psychologie génétique nous montre combien
les contenants de pensée cognitifs évoluent avec l'âge, faisant par
exemple passer notre conception de l'espace d'une axiomatique quasi-topologique
à une axiomatique euclidienne, ou encore notre conception du temps
d'un temps circulaire à un temps historique.
Enfin la représentation que nous avons de nous-mêmes, dans ses différentes
appellations : schéma corporel, image de soi, self, objet narcissique,
se construit-elle à partir de ce qu'Anzieu désigne sous le nom d'enveloppes
psychiques, fonction contenante primordiale : le "Moi Peau".
BG propose comme définition générale des contenants de pensée l'univers
psychique dans lequel des contenus de pensée peuvent :
-
apparaître
-
prendre sens
-
être compris, par soi même et par les autres
-
et être communiqués.
Un contenu de pensée est indéterminé, insignifiant, "élément bêta"
au sens W. Bion, tant qu'il n'a pas été pris dans un ou plusieurs
contenants de pensée qui l'aient transformé en "élément alpha".
BG considère que l'altération ou la dysgénèse des contenants de pensée
se manifeste par :
- la négligence
de certaines perceptions, ou le caractère "insignifiant" de celle-ci,
ou encore leur compréhension fragmentaire, syncrétique. Ces négligences
ou insignifiances sont à l'origine de nombreuses difficultés d'apprentissage,
tant sociaux que scolaires ou professionnels.
- Les
oublis ou altérations de souvenirs, ainsi que de graves difficultés,
voire une impossibilité d'apprendre par l'expérience.
- La difficulté
ou l'impossibilité d'anticiper des événements
ou d'évoquer correctement des chronologies.
- Les
troubles de la personnalité où prédominent les
anomalies des représentations de soi, et l'impression d'être
"mal dans sa peau".
- Des
troubles du langage, de la logique, des dysgnosies et des dyspraxies.
- &Etant
entendu que ces symptômes coexistent dans la plupart des cas.
L'observation générale que le trouble commun aux ROR
et aux DCP était l'incapacité à donner un sens
à des contenus de pensées banalement compris par les
sujets normaux a donc amené à opposer aux contenus de
pensée (perceptions, affects, souvenirs, fantaisies) les contenants
de penéee. Dans cette perspective, les contenants de pensée
sont les processus dynamiques par lesquels prennent sens les contenus
de pensée.
On connaît depuis le siècle dernier les processus practo-gnosiques,
qui précisément donnent sens à des perceptions
sensitivo-sensorielles, ou à des séquences motrices.
Ces processus constituent une partie seulement des contenants de pensée.
Schématiquement, on peut considérer comme contenants
de pensée les contenants de pensées cognitifs, qui comprennent
les gnosies et les praxies, l'organisation du raisonnement. Il s'ajoute
à ces contenants cognitifs ceux constitués par le langage,
le fantasme inconscient au sens Freudien, et le système narcissique
de représentation de soi. Il convient probablement d'y adjoindre
des contenants collectifs, tels que la tradition familiale, la culture,
etc. |
3.Contenus de pensée et genèse des contenants de pensée.
Ce
qui peut être présent, élaboré, à
notre conscience à un moment, ce peut être un souvenir
précis, complet, une citation de poésie mais aussi quelque
chose de flou, de vague, un mouvement émotionnel, sentiment
de malaise ou de bien être corporel, et des quantités
d'autres choses qui nous passent par la tête, occupent notre
pensée sans que nous y donnions forcément un sens.
Un sens est donné à ces contenus de pensée par
les processus que sont les Contenants de pensée.
Ils mettent en forme, donnent une signification aux contenus, peuvent
également remettre en forme des contenus passés pour
redonner une nouvelle signification. (On peut après coup réaliser
que ce à quoi on avait cru auparavant est faux : par exemple,
on élabore ses connaissances, ses représentations au
fur et à mesure que les contenants de pensée deviennent
de plus en plus puissants, capables de faire des modifications, associations
d'idées, corrélations diverses.)
A propos de l'évolution de ces capacités de comprendre
et de donner sens à ce qui arrive, il faut dire un mot du concept
important qui est celui de " mémoire de travail "
(working mémory).
La mémoire de travail c'est la petite quantité
de mémoire qui est à notre disposition pour prendre
conscience de l'instant.
Exemple : lors d'une conférence, "votre" mémoire
de travail qui est occupée par les sons fabriqués avec
la bouche, transmis par le micro, est occupée aussi par la
perception de l'environnement mais ceci n'est pas très important
car l'environnement ne bouge pas, elle est peut être occupée
par le confort ou l'inconfort des chaises, par un malaise que vous
avez
Cette mémoire de travail se représente par "ce
dont nous avons conscience à un instant donné".
C'est une mémoire de faible capacité et c'est à
travers cette faible capacité que se font les échanges
entre notre psychique et le reste.
La mémoire de travail à une durée d'à
peu près 2 secondes.
Si on détourne notre attention de quelque chose, notre mémoire
se dégage et on peut se centrer sur autre chose.
On ne peut penser simultanément à plus de 7 choses
(l'empan mnésique varie de 2 à 7), 7 objets et quand
on pense à 7 objets et qu'on est capable de les manipuler individuellement
c'est qu'on est déjà très fort.
Cette notion de mémoire de travail, il est important de savoir
qu'elle est la même chez le bébé de quelques jours
que chez le vieillard.
La capacité de la mémoire de travail ne varie guère
à travers l'existence ce qui varie par contre c'est l'habileté
avec laquelle on peut grouper les éléments de manière
à ce qu'ils forment un ensemble et ne soient plus seulement
5 ou 6 objets isolés.
Exemple : dans un premier temps, nous sommes capables de mémoriser
7 chiffres, et au fur et à mesure que nous augmentons nos connaissances
en mathématique, nous sommes capables quand nous avons bien
travaillé, de regrouper l'ensemble des naturels dans l'ensemble
N ce qui fait 1 seul objet à la place d'une infinité.
Ceci est le regroupement et cela nous permet de penser d'une façon
plus complexe.
Cette notion de mémoire de travail et cette notion que ce qui
change c'est l'organisation que nous pouvons faire des connaissances
que nous avons sont une donnée tout à fait fondamentale
qui a révolutionné les conceptions et théories
de Piaget.
Piaget pensait en effet l'inverse : qu'il y avait une modification
des structures au sens des structures de mémoire et d'attention
et on sait aujourd'hui que les structures de mémoire ne sont
pas changeables et que par contre, c'est la capacité à
concentrer l'information qui change.
La théorie de Piaget sur le plan de la théorie abstraite
a été totalement révisée mais il faut
savoir aussi que le schéma général que Piaget
avait repéré d'évolution du raisonnement et des
processus cognitifs en plusieurs stades a toujours quelque chose de
valable.
Après cette parenthèse sur la mémoire, revenons
au sujet.
Les contenants
de pensée donnent sens, donne forme, permettent de comprendre
des contenus.
C'est
un mauvais mot car en fait ces contenants sont un processus dynamique.
Un verre de bière est bien le contenant de la bière
mais ça reste immobile quand la bière est dedans.
Alors que les contenants de pensée sont des processus dynamiques
qui agissent sur le contenu ou inscrivent le contenu dans des réseaux
associatifs pour lui donner sens.
Petite histoire : l'alchimiste est confronté, quand il débute,
à la fabrication du solvant universel.
L'apprenti, tout à coup, vient dire au maître qu'il
a fabriqué le solvant universel. Et le maître le félicite
et lui dit alors "dans quoi l'as-tu mis ?"
Ceci pour expliquer la différence entre le contenant et le
contenu.
Nous distinguons trois types de contenants :
a)
les contenants archaïques
b) les contenants langagiers
c) les contenants groupaux sociaux, culturels.
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3. 1 Les contenants de pensée archaïques
Ce
sont ceux du bébé. Certains pensent qu'ils se forment
très tôt, dès la naissance à mon avis.
Jusqu'à présent, même si on a pu vérifier
si c'est dès la naissance, c'est de toute façon très
tôt que le bébé est muni de ces contenants de
pensées archaïques.
Ces contenants de pensées archaïques sont au nombre de
trois :
Contenant de pensée cognitifs
Contenants de pensée fantasmatiques
un 3ème groupe est constitué
par les contenants de pensée narcissiques
Le processus du marquage sexuel :
Ce premier type
est représenté par ce que Freud a décrit sous
le nom de fantasme originel. Ces fantasmes originels, ce sont des
structures psychiques qui ont la propriété de mettre
en forme et de donner sens à nos excitations sexuelles.
On
ne sait pas vraiment comment le bébé pense ses expériences
d'excitation des zones érogènes mais vous et moi nous
pensons quand nous avons un émoi sexuel en terme de séduction,
puis il y a quelque chose qui passe dans le registre du fantasme de
castration, de frustration et plus loin de frigidité, d'impuissance.
Le
3ème élément met en forme les émois sexuels
qui nous passent par la tête et nous avons une représentation
de ce que nous pourrions faire dans l'intimité.
Freud dit que c'est le fantasme de scène primitive (une représentation
du coït parental qui constitue un modèle).
Ces trois fantasmes originels
- fantasme
de séduction
- fantasme
de castration
- fantasme
de scène primitive
sont les premiers éléments, premiers contenants de pensée
qui vont donner sens à ces émois sexuels. Du moins c'est
ce que Freud pensait, et que ça s'arrêtait là.
Or, depuis, on sait qu'il y a en 4ème type de fantasme qui
intervient et en particulier chez les enfants handicapés, c'est
le fantasme d'auto-engendrement. C'est le fantasme de s'être
fait soi-même, de s'être engendré soi-même.
Cela paraît quelque chose d'inventé par des psychanalystes
fous or cela court les rues, du moins les contes et les mythes :
- L'oiseau
phoenix qui renaît de ses cendres est une forme d'auto-engendrement.
- Les
vampires sont des natures qui s'auto-engendrent.
Ce
fantasme est important en pathologie mentale mais c'est aussi un fantasme
banal normal que l'on rencontre chez les enfants. De nombreux enfants
pensent être nés avant leurs parents.
Ces quatre fantasmes
originels sont la pierre de touche de ce qui pourra ensuite donner
naissance à des troubles pathologiques du type des psychoses,
névroses
Freud a expliqué dans un article célèbre comment
la pensée ainsi constituée souffrait de points faibles,
susceptibles de perturber gravement son fonctionnement.
Cette conception rend compte de la constitution et du développement
de l'objet libidinal.
Marquage épistémophilique :
Les contenants de pensée cognitifs sont ceux qui vont
donner sens à ce que nous percevons du monde extérieur
et ce que nous essayons de comprendre du monde extérieur.
Quand on rencontre quelque chose de nouveau, on le touche, on le
tourne
jusqu'à ce que nous ayons compris à quoi
ça sert
Le contenant de pensée cognitif est constitué par
l'élaboration des réflexes innés, c'est-à-dire
une vingtaine de réflexes dont sont pourvus la quasi-totalité
des bébés et qui font que chaque bébé
normalement constitué sait sucer, fermer la main quand il
a quelque chose dans sa paume, suivre des yeux, au moins pendant
un instant, un objet qui se présente devant son regard et
a un certain nombre d'autres réflexes qui sont moins importants.
Ces réflexes très rapidement se renforcent, deviennent
très puissants et peuvent être appliqués par
le bébé à des objets différents, à
des objets initiaux.
Et c'est ainsi que le bébé suce, en même temps
qu'il suce il éprouve du plaisir dans la zone érogène
en question, et ça s'organise avec les fantasmes originels,
mais en même temps qu'il suce, il fait des expériences
cognitives.
D'ailleurs on peut remarquer que, si on laisse le bébé
(qui n'a aucun souci particulier ; ni trop chaud, ni trop froid
)
il va sucer le coin de son drap, son pouce, sucer le jouet
mais
aussi sucer le rayon lumineux qui passe, une odeur, un son. Mais
ceci bien sûr ne vaut pas
Une
des premières catégorisations est de distinguer les
objets suçables des objets non suçables. De la
même manière, il y a les objets qu'on peut suivre du
regard et ceux qu'on ne peut pas
De la même manière,
il y a les objets que l'on peut prendre, taper, cogner, secouer
et ceux qu'on ne peut pas
Dans
les premiers temps de la vie de l'enfant, il est extrêmement
occupé à découvrir ce qu'il peut faire sur
le monde et à en tirer des conséquences et des observations
importantes.
On sait aujourd'hui que le bébé est quelqu'un de très
compétent. Différents chercheurs ont montré
des expériences qui en rendent compte. Dès un très
jeune âge, un bébé est capable d'une part d'observer
des événements qui surviennent et qu'il est capable
d'exercer un contrôle sur ces événements, si
du moins le contrôle est possible. S'il est en situation de
pouvoir le faire, s'il en a la compétence, il va essayer
de le faire et lorsqu'il réussit, il en éprouve beaucoup
de satisfaction.
On peut conclure de ces observations que la curiosité, la
recherche de la solution à des problèmes, l'investigation
du monde concret est source de plaisir pour le nourrisson d'une
manière autre que le sont les relations avec les personnes.
C'est pourquoi BG propose de distinguer les objets libidinaux classiques
et les objets " épistémiques " dont le développement
initial procède de mécanismes différents.
Les objets épistémiques se distinguent par le fait
que le sujet cherche à obtenir d'eux un effet concret et
matériel, et qu'il s'intéresse fondamentalement à
les contrôler, à répéter les résultats
obtenus et à étendre ces résultats à
d'autres objets. Sur le plan économique, la pulsion d'emprise
me paraît être leur source d'investissement.
Ces contenants de pensée cognitifs existent d'emblée.
Ils se développent en même temps que la motricité,
les organes des sens du bébé se développent
et se combinent. Il semble y avoir un mouvement d'organisation et
il faut remarquer que ce mouvement, quant au processus cognitif,
apparaît dans le domaine où le bébé est
compétent.
Alors
que le domaine de la sexualité et le domaine du fantasme
vont se développer dans un domaine où le bébé
ne l'est pas, dans un domaine où il est dans une situation
d'impuissance.
Car
probablement l'un des critères les plus déterminants
: quand on est capable de réaliser quelque chose, on le
fait.
Quand on n'est pas capable mais qu'on en a envie, on le rêve.
Quand
le bébé est compétent, il fait son truc, quand
il ne l'est plus, il organise des fantaisies dans sa tête
: ce que, avec les psychologues cliniciens, on nomme, le processus
"primaire".
Les contenants
de pensée narcissiques
Ce sont
ceux qui s'occupent de donner un sens aux représentations que
nous avons de nous-mêmes. Pour ces contenants de pensée,
il est plus difficile que les précédents de se rendre
compte de leur importance et de leur réalité.
Exemples tirés de la pathologie montrant que ces contenants
sont importants dans l'organisation de la pensée :
- Un sujet amputé d'un membre : il arrive souvent
que la personne ait l'illusion que le membre existe, qu'il le sente,
il perçoit un membre fantôme. Cette notion de membre
fantôme est quelque chose qui fonctionne anormalement chez le
sujet amputé mais qui est quelque chose qui est de l'ordre
de ses contenants de pensée narcissiques.
- Autre exemple d'inter-action des contenants narcissiques
: le syndrome d'Anton Babinsky. C'est le cas d'un hémiplégique
avec lésion du cerveau non dominant qui peut
parler et qui crie que quelqu'un veut le pousser hors du lit, prendre
sa place ou même que quelqu'un lui fait des propositions. Il
ressent un intrus dans son lit. Ce malade ne reconnaît
plus comme lui appartenant la moitié paralysée de son
corps.
Or nous, nous avons une idée de notre corps qui est constituée,
nous avons une idée de notre posture
mais il est surprenant
de voir que lorsque ce contenant de pensée narcissique ne marche
plus normalement, on a des impressions, des illusions, des symptômes.
Mais ces contenants de pensée narcissiques qui donnent une
forme et un sens à ce que nous ressentons de notre corps, de
notre identité, ils existent d'une façon moins dramatique
:
- Exemple : quand on se sent bien ou mal dans sa
peau,
- Quand on est à l'aise, quand aussi on entend
comme un double avec qui on discute. La plupart des gens se parlent
de temps en temps.
- Ceci fait partie de ce qui est mis en forme par les
contenants de pensée narcissiques. Ces 3 types de contenants
de pensée aboutissent aux alentours du 6ème mois de
la vie de l'enfant jusqu'à environ la 12ème année,
à lui permettre de constituer tout un ensemble de représentations
psychiques, de construire tout un ensemble de connaissances
à partir des expériences vécues.
Tout
un tas de représentations psychiques, liées les unes
aux autres par des liens associatifs, des liens d'analogie, de continuité,
de contiguïté dans l'espace et le temps.
Il y a un stock d'expériences qui se constitue en représentations
d'images, représentations d'images qui sont très différentes
de l'une à l'autre personne. Ce stock de représentations,
obtenu, construit par les contenants de pensées, autour de
la 1ère ou de la 2ème année est un stock d'images
qui est fini.
On pourrait
les dénombrer. Il y a des expériences et ce sont ces
dernières qui sont dans la mémoire.
Ce stock d'images, ces contenants de pensée qui ont mis
en formes des contenus, des expériences diverses, constituent
sans doute le préalable nécessaire au développement
harmonieux ultérieur de l'intelligence, du raisonnement et
d'une façon générale de la personnalité.
Qu'est ce qui
vient après ces contenants de pensée archaïques,
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3. 2 Le contenant de pensée langagier
C'est-à-dire
que le bébé apprend à nommer avec des mots,
des images qu'il a en tête.
Il apprend à dire l'objet et cela ne va pas tout seul. Pour
l'essentiel, le bébé occupe de 18 mois à 5
ans, 5ans1/2 son temps à apprendre à dire ce qu'il
sait faire et il faut qu'il le fasse : "le faire" est
une nécessité importante pour que ces contenus se
constituent.
La transposition des images mentales, des représentations
psychiques par les mots amène une métamorphose de
la pensée pour différentes raisons,
a)
D'une part, dans le langage, il y a entre les mots des liens associatifs
en plus, des liens associatifs qui sont entre les images stockées.
On peut jouer avec les mots, faire des ritournelles, des jeux de
mots, des structures (paradigmatiques, syntagmatiques, grammaticales
)
qui imposent une forme, une organisation qui n'est pas dans l'organisation
des expériences non verbalisées.
b)
D'autre part, le langage permet d'accéder à l'expérience
d'autrui.
Avant le langage, le seul moyen d'accéder à l'expérience
d'autrui est l'imitation.
On peut échanger, se raconter, s'expliquer. Par la forme
du langage écrit, on peut accéder à une mémoire
beaucoup plus importante que celle de toutes les personnes à
côté de soi, on peut accéder) toute l'expérience
de l'humanité.
Les
représentations psychiques langagières sont différentes
des représentations psychiques archaïques en ce sens
:
- qu'il
y a un autre réseau associatif qui apparaît.
- que
cette espèce de double réseau n'est pas finie
Grâce
au langage, je peux construire de nouvelles représentations
que je n'ai pas expérimentées moi-même.
Je peux apprendre de quelqu'un d'autre. C'est un des éléments
puissant du langage qui sous-tend le fait que les chats peuvent
apprendre des trucs par exemple mais ils ne peuvent apprendre qu'en
jouant. Je ne peux leur apprendre en parlant.
Ce
contenant de pensée langagier est très puissant, très efficace
:
Pour apprendre, pour penser dans sa tête, élaborer ses idées,
réfléchir, prendre en compte, communiquer, échanger.
La pensée s'est donc considérablement modifiée depuis les premières
expériences de représentations archaïques.
Elle va se modifier encore sous l'influence d'un troisième
niveau de contenant de pensée qui est celui des contenants
de pensée culturels.
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3.3 Contenants de pensée culturels, sociaux, groupaux
Ces
contenants de pensée sont multiples.
Quelques exemples :
- Les
habitudes de chaque famille
- On
appartient à un certain réseau culturel intellectuel
- On
favorise certaines choses, on n'aime pas certaines autres.
Cet
ensemble de positions se superpose aux contenants de pensée
antérieurs pour amplifier, souligner ou supprimer certains
effets.
D'autre
part chaque culture va promouvoir un certain nombre de représentations
culturelles ou spirituelles qui vont être utilisées
pour penser.
Finalement,
les contenants de pensée groupaux ont la propriété
d'engendrer des illusions.
C'est un aspect méconnu jusque là qui est, que, lorsque
nous sommes réunis dans un petit groupe, il se crée
entre les différents membres (sauf anomalie) une représentation
du groupe, qui est toujours l'idée qu'on constitue un bon
groupe, que leader est un bon chef et que " les autres ",
il est dommage qu'ils ne soient pas avec nous.
Cette
illusion "groupale" a d'autres cousins : illusions contagieuses
culturelles et ces illusions vont modifier les représentations
psychiques que nous avons et imprimer un certain nombre de choses
nouvelles qui ne sont pas forcément de notre expérience.
Exemple
: une variété d'illusion groupale : le racisme.
La race en question est l'élue, les autres sont des "chiens".
Dans ce cas là, il y a des manques considérables dans
la pensée de ceux qui sont pris dans cette illusion.
Les contenants de pensée culturels sont pour l'essentiel
des choses qui sont transmises par le langage et des choses qui
sont transmises par la tradition, les contes, les traditions culturelles.
Il faut cependant ajouter une autre source, qui fait une sorte de
pont avec les contenants de pensée cognitif.
En ce qui concerne les contenants de pensée cognitifs de
tout à l'heure, il faut se souvenir que le bébé
sent, est occupé, vaque à ses occupations, s'intéresse
à l'environnement, ne s'intéresse pas, s'intéresse
essentiellement à comprendre ce qui se passe
Bien sûr que le bébé est occupé à
autre chose et on a passé sous silence à ce moment
là, le fait que le bébé est aussi en relation
avec des personnes.
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4.Évolution des troubles des contenants de pensée (TCP)
En
l'absence de traitement adéquat, on observe assez souvent une
évolution continue assez souvent une évolution continue
et progressivement aggravée dès TCP. On rencontre en
effet fréquemment des enfants présentant initialement
une DCP, se transformant ultérieurement en ROR, et parfois
ensuite en une débilité mentale. Une évolution
similaire peut être retrouvée chez les sujets d'intelligence
normale initiale en effet, on constate l'apparition d'une DCP, à
laquelle peut succéder une régression globale de l'organisation
du raisonnement pour aboutir dans un troisième temps à
un tableau clinique de démence. |
5. Gravités des troubles des contenants de pensée.
Ces
troubles constituent des atteintes graves :
- de
l'intelligence qu'un sujet peut avoir de son environnement.
- Des
processus cognitifs qui ne lui permettent pas de donner un sens
à ses perceptions et à ses souvenirs.
- Des
processus praxiques qui permettent normalement les apprentissages
moteurs et leur extension à l'acquisition de la logique.
- Du
langage qui permet d'élaborer les relations avec autrui et
avec soi-même, et d'accéder au domaine de la mémoire
sociale écrite.
- Des
capacités d'apprentissage scolaire, professionnel et social.
Leurs
conséquences sont extrêmement sévères,
car ils perturbent très considérablement les possibilités
de socialisation des enfants. Habituellement, les sujets présentant
des TCP ne dépassent pas le niveau d'une classe de CM1 et
il s'avèrent incapables d'acquérir une compétence
professionnelle quelconque.
Durant l'enfance, leur échec scolaire est massif, et inentamé
par les classes d'adaptation, SEGPA, rééducation etc.
Ces enfants devenus adultes constituent une partie importante des
"adultes de bas niveau de formation", "adultes de
bas niveau de qualification" et "illettrés".
Chez les adultes, la survenue de TCP amène une importante
déqualification, avec perte de nombreux apprentissages antérieurs,
et extrême difficulté à en acquérir de
nouveaux.
Ainsi les TCP font-ils des enfants et des adultes des invalides
sociaux.
Enfin, leur survenue chez les sujets âgés transforme
un vieillard alerte en un vieillard entièrement dépendant
de son entourage et nécessitant des soins et une surveillance
constante.
En même temps que s'affinent nos instruments pour les découvrir,
les TCP apparaissent plus fréquent qu'on ne l'aurait cru
initialement. En effet, ils sont souvent méconnus, ou camouflés
par des troubles du comportement ou des infirmités.
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6. Causes des troubles des contenants de pensée
Les
causes des TCP apparaissent multiples.
Les troubles graves de la personnalité ont été
mis en évidence les premiers en pathologie mentale :
- dysharmonies
évolutives psychopathiques, psychotiques ou névrotiques,
- psychoses,
- autisme
infantile,
- perturbations
narcissiques graves.
Il est à noter que dans un nombre de cas important, les manifestations
de TCP constituent la première manifestation clinique sensible
des troubles de la personnalité qu'ainsi ils révèlent.
On en rapprochera les conséquences des carences affectives,
des abandons précoces réitérés et des
syndromes dépressifs infantiles.
Les troubles des premières relations mère enfant interviennent
souvent dans le déterminisme des troubles,
- soit
en raison de l'existence d'une dépression thymique grave
de la mère, l'empêchant de tenir son rôle dans
le développement de l'enfant,
- soit
en raison de l'absence ou de l'incompétence de la mère,
perturbant gravement l'évolution des phénomènes
transitionnels,
- soit
encore en raison de la transplantation de l'enfant dans un milieu
et une culture étrangère (enfant coréens adoptés
par exemple).
Des
affections somatiques chroniques peuvent également être
concomitantes de DCP, sans que l'on puisse encore préciser
s'il s'agit de relations de cause à effet ou d'effet d'un
facteur commun.
C'est ainsi que les TCP surviennent avec une fréquence anormalement
élevée chez les enfants IMC (Infirmes moteurs cérébraux),
chez les enfants myopathes, et, en général, chez les
enfants paralysés. Ils semblent également être
fréquents chez les enfants cardiopathes ou rhumatisants chroniques
graves.
Les lésions cérébrales par tumeurs, pathologique
vasculaire infectieuse ou hémorragique sont depuis longtemps
connues des neurologues pour être à l'origine de "troubles
des fonctions nerveuses supérieures", et en particulier
de troubles agnosiques, apraxiques et aphasiques que je considère
comme des perturbations des contenants de pensée cognitifs
et linguistiques. On en rapprochera :
Les traumatismes crâniens chez l'enfant, et surtout chez l'adulte,
entraînent souvent des TCP d'autant plus dramatiques qu'ils
sont habituellement méconnus, et donc ni traités,
ni indemnisés.
Les traumatismes encéphaliques liés à un traitement
de tumeur cérébrale par radiations ionisantes d'enfants
en bas âge semblent aussi avoir une part dans les TCP observés
dans ces cas.
Il en va de même pour les traumatismes somatiques graves.
On soupçonne les difficultés de réhabilitation
fonctionnelle après les traumatismes somatiques, accidents
de la voie publique, du travail, amputations chirurgicales, infarctus
cardiaques étendus, lésions divers du système
nerveux central (quadriplégies, aphasies traumatiques, etc.)
puissent être, entre autres, liés au développement
à bas bruit de TCP.
Les dépressions thymiques de l'adulte et du vieillard semblent
également à l'origine d'un nombre important de TCP,
surtout chez les vieillards où elles constituent souvent
le début d'un processus démentiel.
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Conclusions
Intérêt
de la notion de trouble des contenants de pensée.
La
notion de contenant de pensée apparaît comme particulièrement
intéressante dans les domaines ci-après :
Intérêt dans le domaine psychopathologique clinique
en
psychopathologie infantile :
troubles de l'intelligence
dysharmonies évolutives
infirmités motrices cérébrales
psychoses, autismes, débilités mentales, etc.
atteintes somatiques, chroniques telles que cardiopathies, rhumatismes,
myopathies, etc.
en psychopathologie des démences à tous âges
en psychopathologie des traumatismes crâniens à tous
âges
en neuropsychologie (apracto-agnosies, aphasies)
en psychopathologie des sujets souffrants d'atteintes corporelles
graves.
Intérêt dans le domaine de l'éducation, de
la rééducation et de la pédagogie
chez
les enfants et adolescents en échec scolaire,
chez les mêmes devenus adultes et devenus des "sujets
de bas niveau de qualification", "sujets de bas niveau
de formation" ou "illettrés" des services
de la formation permanente.
Chez les sujets victimes d'accidents graves ou d'amputations, pris
en charge dans les services de réhabilitation fonctionnelle.
Intérêt
en regard des découvertes récentes sur les conditions
de la mémorisation
Nos connaissances
relatives à la mémoire, aux conditions de mémorisation,
et aux processus d'apprentissages ont été bouleversées
par diverses découvertes récentes. En particulier,
les travaux de Mischkine et Appenzeller ont mis en évidence
la nécessité de distinguer une mémoire "d'habitudes",
à expression essentiellement motrice, renforcée par
les répétitions, et une mémoire de significations,
telles que seules les perceptions ayant pris sens et connotations
émotionnelles sont mémorisées. Pour cette forme
de mémoire, les réitérations sont inutiles,
le sens saisi une fois étant correctement mémorisé.
La notion de contenant de pensée rend compte de cet effet
de sens nécessaire à la mémorisation.
Approches thérapeutiques
Il
ne saurait être question dans le temps limité de cet
exposé de décrire en détail les moyens thérapeutiques
développés dans le cadre de mon laboratoire à
l'Hôpital de la Salpêtrière. Je me contenterai
de donner une esquisse des voies d'approche que nous explorons.
Cinq
pistes semblent actuellement particulièrement prometteuses
:
- expériences transitionnelles
Où l'on cherche à réactiver les phénomènes
transitionnels et à permettre l'abandon de positions archaïques
d'omnipotence.
- psychologie de l'action
Où est mise à profit la tendance de l'appareil psychique
à faire coïncider ses croyances avec ses actes, sous
peine de dissonance cognitive. L'engagement dans un tel travail
est facilité par les effets inconscients de l'action accomplie
sur l'action à venir : obtenir de quelqu'un une première
action sans importance facilite grandement l'obtention ultérieure
d'une action impliquante.
- découverte du corps
La relaxation psychanalytique dans la perspective de Sapir et Bergès
constitue un mode d'accès de choix ç la problématique
narcissique. Elle est un moyen des plus efficaces pour permettre
l'évolution favorable de nombreux cas de DCP et de ROR.
- expériences en écho
Le renvoi en écho des productions motrices ou verbales constitue
un puissant moyen de développement de l'image de soi, et
d'élaboration des contenants de pensée cognitifs,
en particulier dans des cas d'infirmité motrice cérébrale.
- découvertes cognitive bien tempérée
Une pédagogie rigoureusement conduite peut permettre une
évolution spectaculaire des sujets aux contenants de pensée
perturbés.
D'une
manière générale, la perspective des Troubles
des Contenants de pensée nous amène à reconsidérer
les processus d'apprentissage, d'acquisition de connaissances, de
prise de sens et de conscience, ainsi que les déficits de
ces fonctions : pertes de mémoire, dysmnésies, échecs
et pertes d'apprentissages et la pathologie de leur constitution.
Cette remise en question des notions classiques débouche
sur des innovations multiples tant sur le plan clinique que thérapeutique,
éducatif et pédagogique. Elle conduit également,
dans une perspective intégrée de la psychopathologie,
à proposer diverses modifications de la théorie psychanalytique
classique afin d'y faire une place à l'objet épistémique
et aux contenants de pensée.
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(CR à
partir des conférences avril 89 et février 92)
Pour aller plus loin :
GIBELLO, Bernard/ LEBOVICI, Serge. Préf : " L'enfant
à l'intelligence troublée : nouvelles perspectives cliniques
et thérapeutiques en psychopathologie cognitive "
Paris : Le Centurion, 1984. 226 p.
GIBELLO, Bernard : " La pensée décontenancée
: essai sur la pensée et ses perturbations " Bayard, 1995.
287 p.
Les ouvrages de B. Douet
BERGER, Maurice : " Les troubles du développement
cognitif : approche thérapeutique chez l'enfant et l'adolescent "
Privat, 1992.
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