Aménagement du temps scolaire, oui ! ... mais pour les élèves
!!!
Rencontre / réflexions de JF. Gibert et M. Vinais
(En bleu références
institutionnelles et questionnements, en noir réflexions)
Extraits
du « Guide pratique : réforme des rythmes scolaires »
«
La réforme des rythmes scolaires poursuit donc avant tout
un objectif pédagogique : mettre en place une organisation
du temps scolaire plus respectueuse des rythmes naturels dapprentissage
et de repos des enfants afin de favoriser la réussite de tous
à lécole primaire. »
JFrançois
: Qu'en penses-tu ? Cette nouvelle répartition est-elle plus
respectueuse des rythmes de l'enfant ?
Le
retour à une semaine scolaire de quatre jours et demi semble,
sur le principe, une excellente initiative, en particulier pour les
élèves du primaire (école maternelle et élémentaire)
handicapés, déjà en difficulté scolaire
ou tout simplement peu adaptés au système du fait de
leurs conditions de vie, de circulation et déchanges.
Nul
nignore en effet, après notamment les travaux de F. Testu,
quà linverse des enfants destinés à
être de très bons élèves, ces enfants là
sont particulièrement sensibles aux surcharges et non respect
de leurs rythmes biologiques, psychologiques et dapprentissage.
Il importait donc de revenir sur le caractère ouvertement élitiste
du système de la semaine de quatre jours.
Extraits du « Guide pratique : réforme des rythmes scolaires
»
«
Les nouveaux rythmes scolaires conduiront ainsi à une meilleure
répartition des heures de classe sur la semaine, à un
allègement de la journée de classe de 45 minutes en
moyenne et à la programmation des séquences denseignement
aux moments où la faculté de concentration des élèves
est la plus grande. »
Remplacer
45 minutes de classe par des activités culturelles, de langue,
d'arts visuels, d'expression... conduit-il à une moindre sollicitation
des enfants ? Les élèves s'ennuyaient-ils à faire
ces activités dans le cadre scolaire ?
Toutefois, ce point de vue est à comprendre dans l'hypothèse
où le temps scolaire est effectivement de 9 demi journées
de manière à pouvoir jouer plus amplement sur les variations
dans les manières d'apprendre selon les heures de la journée
et les jours de la semaine.
Or, la voie
choisie consiste à alléger la journée de classe
de 45 minutes. Cela conduit une conception comptable dans la gestion
des différents temps qui finalement s'opposent comme s'opposent
les intérêts catégoriels des différents
intervenants. Outre que tout se passe comme si le temps d'école
étant irréductiblement pesant et ennuyeux, car réservé
à une élite, il convenait de le réduire.
C'est une bien
piètre conception de l'enseignement pour tous. Elle établit
une hiérarchie entre les disciplines, renvoie les disciplines
scolaires que sont l'éducation physique, musicale et artistique
à la périphérie des préoccupations des
enseignants en leur déniant les possibilités d'établir
des liens vécus et explicités entre celles ci et le
parler, lire écrire, compter. A terme, en effet, elle peut
conduire à la conception d'un professeur des écoles
dispensé d'éducation physique et artistique. .
Extraits du « Guide pratique : réforme
des rythmes scolaires »
«
Dans un rapport de janvier 2010, lAcadémie nationale
de médecine soulignait que la désynchronisation des
enfants, cest-à-dire laltération du fonctionnement
de leur horloge biologique lorsque celle-ci nest plus en phase
avec les facteurs de lenvironnement, entraîne fatigue
et difficultés dapprentissage. Dans le même sens,
les pédiatres et chronobiologistes Robert Debré, Guy
Vermeil, Hubert Montagner, François Testu ont, dans le cadre
de leurs publications, formulé un certain nombre de préconisations,
qui ont été largement partagées lors de la concertation
pour la refondation de lÉcole. »
Toi qui connaît bien les travaux d'H. Montagner et de F. Testu,
penses-tu que l'on tienne compte réellement de leur réflexion
?
Rappel du Guide :
Ces préconisations sont les suivantes :
revenir à une semaine de quatre
jours et demi, avec une priorité
au mercredi matin scolarisé ;
avoir une approche globale du temps de lenfant prenant
en compte la nature des trois temps qui composent les 24 heures de
la journée, à savoir les temps familiaux, les temps
scolaires et les temps récréatifs, sociaux, associatifs,
sportifs, artistiques, culturels passés en dehors de la famille
et de lÉcole ;
tendre vers un système dalternance régulière
des plages scolaires et des périodes de vacances ; à
cet égard, lalternance dite « 7-2 », cest-à-dire
sept semaines de classe suivies de deux semaines de vacances, fait
globalement consensus ;
penser lécole comme un lieu de vie et déducation,
au-delà du lieu essentiel dinstruction quelle constitue.
S'il y a effectivement consensus quant à
l'alternance entre les plages scolaires et celles des congés,
nous assistons, pour l'organisation de la semaine, à une telle
variété dans les formules adoptées qu'outre un
aspect inégalitaire évident, il est bien difficile de
s'y retrouver dans cet éclatement des temps, cet émiettement
des intervenants et cette dilution des styles pédagogiques.
Cette
nouvelle répartition sur 9 demi-journées propose d'office
le mercredi matin et dérogation si le samedi matin souhaité,
n'aurait-il pas fallu proposer l'inverse pour les enfants ?
Que pensez des expériences du samedi matin ( Brest, Angers,
Nevers, région lilloise) que l'on pourrait citer comme «
exemple »... ?
Nous n'avons pas connaissance de toutes les
expériences, la notion d'exemple est d'autant plus délicate
à utiliser qu'il existe une extraordinaire variété
dans les tentatives d'application. Ce qui est source d'inégalité.
L'éclatement
des temps, l'émiettement des personnes ressource, des objectifs
et des styles pédagogiques semble être un des facteurs
notoires du sentiment de fatigue, quasi unanimement relevé
dans de nombreux articles de presse.
Par
ailleurs, pour la demi journée supplémentaire, la question
semble se concentrer sur le choix entre le mercredi matin et le samedi
matin avec de nettes incitations pour le mercredi matin. Pour la perspective
dans laquelle nous nous situons, cela obérerait considérablement
la portée de la réforme par négation dune
donnée largement développée, notamment par H.
Montagner, celle de lintérêt dune coupure
dune journée en milieu de semaine, quels que soient
par ailleurs les conditions daccueil lors de cette journée
(meilleure nuit de sommeil, latence, maturation, infusion des
acquisitions
). Là encore, il sagit surtout de lintérêt
des enfants les moins adaptés au système scolaire. Ceux
en outre dont les familles ne tireraient aucun avantage dune
application touristique ou hôtelière de cette réforme
si le choix du mercredi matin était maintenu.
Il
reste bien évidemment en suspens la question du regroupement
familial du samedi ; argument largement avancé par les organisations
de parents d'élèves. Sur cet aspect, nous considérons
que la famille regroupée et en partie disponible autour de
lécole (possibilité daccompagner son ou
ses enfants, de contacts avec les enseignants et le personnel
)
ne peut quêtre bénéfique aux processus dintégration
.sans
compter sur le caractère facilement ouvert et sédatif
de cette demi journée (par exemple réinvestissement
ludique des apprentissages effectués ou engagés lors
de la semaine écoulées, explorations, liens interdisciplinaires
accentués
). Ajoutons également que le fait de
réduire la coupure de cette fin de semaine peut contribuer
à réduire le caractère désynchronisé
de la journée du lundi, là encore plus net pour les
élèves les plus en difficulté.
Autres
réflexions et interrogations :
Si
cet aménagement du temps scolaire est mis en place pour améliorer
la réussite de tous les élèves du primaire,
pourquoi n'est-il pas applicable à toutes les écoles
de France ? Y aurait-il plusieurs catégories d'établissements
voire d'élèves... ceux qui doivent bénéficier
de cet aménagement et les autres ?
Cet
aménagement du temps scolaire amène des investissements
supplémentaires probablement très importants, n'aurait-il
pas été plus judicieux de recruter des enseignants
soit pour accompagner les élèves en difficulté
et/ou handicapé (les RASED ont été démantelés
depuis plusieurs années!), soit pour dédoubler les
CP ou permettre au CII d'avoir 4 enseignants pour 3 classes, nous
disons bien enseignants ! Des professionnels de l'apprentissage
scolaire, enseignant, un vrai métier et non pas de pseudo-pédagogues
?
Quant
aux responsables de municipalité qui tentent d'argumenter
aux yeux des parents voire des enseignants, la validité de
ce projet « pour la réussite de tous les élèves
» entend t-on souvent, devraient rester à leur place
: en général, les élus locaux ne sont ni législateurs,
ni experts en éducation. Ils ont pour mission de mettre en
uvre cette réforme dans le respect des lois de la République,
en revanche ils pourraient s'indigner parce qu'à vouloir
faire de la politique politicienne, à céder sous la
pression des lobbies,... les enfants (et surtout les élèves
en difficulté scolaire) ne sont-ils pas les grands oubliés
de cette modification du temps scolaire ?
Comment
peut-on nous faire croire que le temps de sollicitation intellectuel
de l'élève ait diminué? Comme si faire des
arts visuels, de la musique, des marionnettes, des activité
corporelles, des langues... ne sollicitaient les capacités
cognitives et mentales du sujet parce qu'elles se situeraient dans
un espace récréatif, c'est ne rien connaître
du processus de création...
Par
ailleurs nous proposons à votre réflexion les écrits
de plusieurs spécialistes de l'enfance :
- Les travaux
de Claire Leconte, chronobiologiste, professeur des universités
en psychologie de léducation
à Lille 3, responsable de léquipe de recherche
« Temps et cognition » .
site
: http://www.claireleconte.com/
ou http://www.claireleconte.com/blog/
- http://meirieu.com/nouveautesblocnotes_dernier_01_2013.htm
- Ce que nous
dit A. Giordan « Les rythmes scolaires, peut-on dépasser
les lieux communs ? » extraits :
Les études sur le rythme de lenfant, et notamment
celles sur la vigilance, ont toutes été effectuées
dans un cadre de cours contraints. Lexpérience
montre quil en est tout autrement si lenseignant sait
interpeller, motiver ses élèves avant de faire son
cours. Et ne parlons pas des moments où il y a projet,
intrigue, travail de groupe ou sur le terrain.Quant l'enseignant
sait mettre du sens, l'attention des élèves et leurs
apprentissages sont tout autre.
De plus,
sinterroge-t-on vraiment sur ce quon met toujours
en avant : « lheure de cours ». Que veut-elle
dire vraiment ?
Le
travail des élèves, son attention, sa motivation
varie de 55 minutes à seulement
5 minutes, suivant
lintérêt du cours pour lenfant, suivant
que la classe est calme ou dissipée, suivant laura
de lenseignant, etc... Et quen est-il de lapprendre
? Les études de didactique montrent quapprendre
nest jamais corrélé automatiquement à
une quantité dheures de cours
Enseigner nest
pas automatiquement faire apprendre
Le rythme
scolaire ne peut senvisager de façon cloisonnée,
en se limitant à compter heures de cours et jours de
classe. Les apparences sont toujours trompeuses et des mesures
de surface ne pourront faire évoluer linstitution
scolaire. (Re)penser lécole demande dêtre
un peu iconoclaste. On ne peut pas prendre de décisions
sans sinterroger sur les divers paramètres en jeu.
Notamment, on ne peut plus éluder la question des programmes
ou celles des pédagogies dominantes.
Par ailleurs
la question du sens ainsi que celle de la motivation sont à
interpeller.
Consulter
le site à : http://cms.unige.ch/ldes/
Ce
discours d'A. Giordan peut amener à penser que cette réforme
voire pseudo-réforme n'est qu'un des paramètres de la
réussite des élèves.
D'autre
part, à vouloir faire de la politique politicienne, à
céder sous la pression des lobbies,... les enfants ne sont-ils
pas les grands oubliés de cette modification du temps scolaire
?
En résumé nous pensons qu'un réaménagement
du temps scolaire de l'école primaire pour tous les élèves,
surtout et seulement pour eux, devrait proposer un réaménagement
global de ce temps sur l'année avec :
une
réorganisation de la journée scolaire en concertation
avec les différents partenaires afin de prendre en
compte les pulsations entre les manières de faire
et d'apprendre propres aux élèves.Dans ce
dispositif, l'enseignant conserve la responsabilité
pédagogique et participe à sa mise en uvre.
Un
jour de libéré en milieu de semaine donc le
mercredi et travail le samedi matin.
alternance
de sept semaines de travail suivi de deux semaines de congé.
diminution
du congé estival ?( avec création de zones,
si nécessaire)
pour
la réussite de tous les élèves :
revoir l'encadrement
en redonnant sa place aux RASED, aux structures et dispositifs
spécialisés.
en réménageant l'encadrement scolaire sur
le cycle II.
restaurer une formation
des enseignants digne de ce nom, remettant en valeur les
articulations du transdisciplinaire et de l'interdisciplinaire.
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JF.Gibert
et M.Vinais
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